nature contre nature
gravures et dessins,
invitéé d'honneur Claire Illouz.
Contre-nature signifie ici recherche de complémentarités, de partages inédits entre nous et les choses.
Le trait promeut, non le paysage, mais la forme végétale – écorce, lichen, racine, rhizome, branche, mousse, feuille – aussi bien que la forme animale ou minérale, et refuse toute compromission avec le brouillage et la rature qui ont pu hanter le dessin et la gravure.
C’est ce refus d’idéalité qui donne jusqu’au trouble le sentiment d’une nature enfin délivrée de la toute-puissance de l’homme. Présente dans nombre d’œuvres, la fragmentation métonymique du donné sensible réussit en effet à rendre la plénitude de la matière organique, sans jamais s’exténuer dans une quelconque nostalgie de la totalité.
C’est donc à d’étranges rencontres avec la nature que nous convient les dessins, les gravures et les sculptures de cette exposition.
Loin de rétrécir le visible, ces œuvres donnent à voir l’ombre portée du monde sensible et son irrémédiable densité.
Elles sont autant de tentatives de ne plus dessiner ou peindre «d’après nature» mais avec la nature.
Pour y parvenir, les artistes n’ont pas cherché à domestiquer par le trait ou la pointe la nature, mais ont préféré s’adosser à elle, afin de faire de la ligne, de la découpe, du tissage ou du froissé, l’instrument d’un redoublement productif.
Ils ont choisi de se situer au plus près du monde végétal et de son foisonnement horizontal, d’aller à la rencontre des talus et des crêtes qui offrent au regard leur verticalité improbable, d’hybrider le matériau végétal et la matière minérale, de pourchasser le souvenir d’une forme ligneuse ou d’un insecte en vol.
Michel de Fornel / 2021
© Michel de Fornel, Directeur d’Études à l’EHESSÉcole des Hautes Études en Sciences Sociales.
visuel Claire Illouz « Antipode H » Eau Forte / monotype